Humeurs

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J’aime bien les pluriels ! Mais loin d’évoquer la célèbre théorie hippocratique, mon propos s’inspirera des miennes, bien modestes mais sincères…

Ma première humeur est une fierté, celle d’avoir exercé un métier passionnant au sein d’une communauté professionnelle riche de talents dont je suis heureux d’avoir partagé, par mes fonctions au sein de nos différentes instances nationales, les valeurs et les principes. Cette communauté a su au fil des ans forger des outils techniques, élaborer des règles d’exercice, stimuler recherches et progrès, former et éduquer des générations de chirurgiens dont la compétence est reconnue de tous. Elle a su en particulier réagir efficacement aux attaques et dénigrements divers venus notamment d’un système complexe et arrogant, qui regroupe la machine judiciaire et la jungle réglementaire. Tout cela me mettait de bonne humeur.

Ma seconde humeur sera l’agacement (le mot est faible…) devant les arcanes que ce système a bâti pour rechercher, à tout prix, la responsabilité du praticien lorsque l’acte de soins et ses résultats n’ont pas eu l’heur de plaire au patient, ne pouvant trouver la faute technique ou le manquement. On a donc “trouvé” le défaut d’information, ou l’insuffisance, conduisant à ce regrettable concept de “perte de chance”. On comprend que cela me mette de mauvaise humeur.

Très rapidement, conscientes de l’enjeu et soucieuses d’organiser au mieux la défense des confrères, les instances de la SoFCPRE ont réagi et, sous la houlette de Gérard Flageul secondé par toute une équipe de collègues, des contre-feux ont été mis en place. D’une part, en programmant des tables rondes et des sessions dédiées lors des Congrès nationaux où juristes spécialisés, assureurs et praticiens prodiguaient des conseils et proposaient des conduites à tenir. Et surtout, d’autre part, en rédigeant et diffusant des fiches d’information spécifiques à chaque type d’intervention, couvrant maintenant l’ensemble de notre spécialité. Elle est la pionnière dans ce domaine, imitée et suivie par d’autres spécialités. Ma bonne humeur est revenue !

Bien malheureusement, j’ai dû constater au fil des ans que, malgré ces outils remarquables fournis à nos collègues, le défaut ou l’insuffisance d’informations était encore trop souvent relevés lors des expertises, constat établi dans plus de 40 % des mises en causes. Ma bonne humeur s’est mise à pâlir… De par mes fonctions, je suis amené à connaître un nombre important de dossiers, et j’ai pu constater que la procédure, pourtant simple, de remise des fiches d’informations spécifiques et sa traçabilité étaient curieusement ignorées par nombre de nos collègues. Cela est d’autant plus navrant que les outils efficaces et scientifiquement labellisés sont d’un accès et d’une utilisation très facile. Il arrive même que le fameux consentement éclairé ne soit pas recueilli dans les règles. Mon humeur en est bien triste…

Au-delà des conséquences négatives qui obèrent fortement les décisions de justice et les coûts assurantiels qui en découlent, cette situation navrante a un impact non négligeable sur l’image de notre spécialité et de tous les praticiens qui l’exercent. Chirurgie la plupart du temps de convenance, elle requiert en effet, en plus des qualités techniques que nul ne nous conteste, un faisceau de comportements relationnels dont l’information est la grande part. On nous jugera au final sur cela ! Comme j’ai pu le dire souvent, à la suite d’André-Robert Chancholle, entre l’Homo sapiens1 que notre excellente formation théorique prodigue et l’Homo faber2 que la formation technique que nos maîtres procurent, il convient de laisser une grande place à l’Homo loquens3 et son alter ego moderne l’Homo scriptens4.

Alors, vous pensez bien que j’ai très envie que ma bonne humeur, notre bonne humeur à tous, revienne ! Pour cela, il est des principes simples et faciles à appliquer selon la “recette” suivante :

  • consacrons du temps à la consultation initiale et rédigeons une belle observation détaillée et, idéalement, proposons une seconde consultation après réflexion ;
  • remettons systématiquement la (les) fiche(s) spécifique(s) à l’intervention projetée, et au mieux commentons-la ;
  • assurons une traçabilité (bien archivée), soit en demandant au patient de remettre la fiche (en double) signée, soit en mentionnant expressément sa remise détaillée dans le document de consentement éclairé ;
  • rédigeons un document de consentement, non “généraliste” mais ciblé et détaillé.

Vous me direz que tout le monde sait cela… Mais alors pourquoi n’est-ce pas appliqué ? Faisons tout pour que notre bonne humeur revienne !

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À propos de l’auteur

Pôle de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique, cabinet Branchet